Un rapport parlementaire prône une réduction de la part du nucléaire LEMONDE.FR avec AFP | 15.12.11 | 16h26

L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques prône dans un rapport une réduction du nucléaire en France.

L’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques prône dans un rapport une réduction du nucléaire en France.AFP/PHILIPPE DESMAZES

Le débat brûlant sur la place du nucléaire au sein du bouquet énergétique français est relancé. Jeudi 15 décembre, des parlementaires ont recommandé une réduction de sa part au sein de la production d’électricité du pays, tout en se prononçant contre son abandon.

Le rapport final sur « la sécurité nucléaire, la place de la filière et son avenir » de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) estime que « l’énergie nucléaire, dans les conditions de sûreté renforcée prenant en compte les enseignements de l’accident de Fukushima, doit conserverson rôle de pilier du bouquet électrique français ».

Cette étude de près de cent pages juge « irresponsable » une sortie du nucléaire, car, selon ses rédacteurs, vu le stade de développement des énergies renouvelables, cela entraînerait un recours accru aux énergies fossiles fortement émettrices de CO2, accompagné d’un renchérissement brutal de l’électricité.

30 % DE NUCLÉAIRE VERS 2100

Mais, dans le même temps, « l’exemple japonais » de Fukushima a montré « le risque de s’en remettre pour une part trop importante » au nucléaire, et « invite à ne ‘pasmettre tous ses œufs dans le même panier' », poursuivent les parlementaires.

Le rapport, rédigé par un groupe de députés et sénateurs de tous bords, conseille donc une « trajectoire raisonnée », qui verrait une réduction progressive de la part du nucléaire dans la production d’électricité française, d’environ 75 % aujourd’hui à « 50 ou 60 % vers 2050, et 30 % vers 2100 ».

Un tel scénario permettrait aux énergies renouvelables de se substituer en douceur à l’atome, au fur et à mesure des avancées technologiques (notamment en matière de stockage de l’énergie), sans recourir aux énergies fossiles, explique en substance le document.

Ce rapport est publié alors que l’avenir du nucléaire s’est imposé comme l’un des thèmes majeurs de la précampagne présidentielle. Le sujet a empoisonné le mois dernier les relations entre le Parti socialiste et ses alliés d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), qui ont fini par s’entendre sur une réduction progressive du parc nucléaire. De son côté, le président Nicolas Sarkozy a accusé la gauche de préparer une sortie pure et simple du nucléaire, qui provoquerait, selon lui, une« vague massive de délocalisation » et un « cataclysme » économique pour le pays.

 

Commentaire

 

Cet article illustre bien les enjeux du nucléaire en France est partout dans le monde. dans les pays à forte conscience écologique, cette industrie n’est pas perçue positivement en ce sens qu’elle menace l’environnement. Toutefois, les enjeux économiques autour de cette question sont trop importants pour que cette industrie soit suppléée par des énergies renouvelables. En effet, le lobbying d’Areva, qui bénéficie d’une véritable aura à l’étranger, va dans le sens d’une augmentation de la part de l’énergie nucléaire en France, afin de favoriser son exportation à l’étranger. Le politique se place donc ici en arbitre entre l’économique et l’écologique mais son jugement ne semble pas neutre. En effet, l’abandon du nucléaire est perçu par de nombreux hommes politiques comme une aberration qui nuirait fortement à la santé économique du pays. Reste à savoir quelle notion prime: la santé des individus et de l’environnement ou celle de l’économie.

01 novembre 2011 ÉCOLOGIE – Pour sauver la planète, mieux vaudrait que les Américains cessent de se reproduire

Depuis lundi, nous sommes 7 milliards d’êtres humains sur terre, selon l’ONU, et une association de défense de l’environnement en profite pour tenter de convaincre les Américains d’y penser à deux fois avant de se reproduire.

Le Centre pour la diversité biologique affirme que la croissance de la population mondiale fait peser sur la nature un fardeau toujours plus lourd. « Toutes les espèces que nous sauvons de l’extinction finiront par disparaître si la population humaine continue d’augmenter, » affirme son directeur, Kierán Suckling, au New York Times.

Le Centre souhaite donc réduire la natalité américaine, et s’offre pour cela un encart publicitaire sur Times Square, à New York, des efforts de lobbying auprès des députés américains et une campagne de distribution de préservatifs (ci-contre) sur les campus. On peut notamment lire sur leurs emballages : « Enveloppez avec soin, sauvez un ours polaire« , et « Portez un préservatif maintenant, sauvez la chouette tachetée« .

L’association se base sur un calcul simple, à première vue : compte tenu de la production actuelle de dioxydes de carbones par les Etats-Unis, chaque nouveau-né américain générera au cours de sa vie 7 fois plus de dioxyde de carbone qu’un petit Chinois, et 169 fois plus qu’un enfant né au Bangladesh, selon une étude publiée en 2009 par l’université de l’Etat d’Oregon.

« Chaque personne qui rejoint le pays fait peser de lourdes demandes sur l’environnement » affirme ainsi Joel E. Cohen, directeur du Laboratoire des populations aux universités Rockefeller et Columbia, à New York.

Grâce à l’immigration et malgré un taux de fécondité situé juste en dessous du seuil de renouvellement de la population (2,0 enfants par femme), les Etats-Unis devraient compter 478 millions d’habitants d’ici la fin du XXIe siècle, selon le Times, contre 311 millions aujourd’hui. Le pays occupe par ailleurs le deuxième rang au monde pour l’émission de dioxyde de carbone par habitant, juste derrière l’Australie, selon les derniers chiffres de l’Agence fédérale américaine d’information sur l’énergie.

Kevin Knobloch, président de l’Union des scientifiques engagés, rappelle au Timesque les recherches sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre par la réduction des naissances ne sont pas encore assez « robustes » pour engager une politique convaincante.

De plus, l’aspect politiquement sensible de tout débat lié au contrôle des naissances aux Etats-Unis n’encourage pas la plupart des organisations de défense des animaux à s’exprimer – presque aucune n’a souhaité commenter cette campagne.

 

Commentaire

 

Cet article quelque peu surprenant soulève néanmoins d’importantes interrogations quant au mode de vie des populations occidentales qui est en grande partie responsable du changement climatique. L’adoption de ce mode de vie par les populations des pays émergents inquiète grandement les experts environnementaux qui voient dans cette reproduction des habitudes occidentales une réelle menace pour l’équilibre de la planète. Le titre loufoque de cet article a en fait une réelle signification, pour sauver l’écosystème et par ailleurs l’espèce humaine, nous devons changer nos habitudes de vie. Le message semble avoir été compris dans certains pays développés mais les pays émergents refusent de faire passer l’enjeu environnemental avant leur propre développement économique, ce qui est compréhensible étant donné que nous nous sommes comportés de la sorte durant près d’un siècle. Reste à savoir si la prise de conscience écologique se fera avant que d’autres pays n’émergent et s’inspirent des modèles chinois, indiens et autres pays nouvellement développés.

L’Amérique, Dieu, la science et Durban International |Chronique | | 01.12.11 | 15h53 • Mis à jour le 19.12.11 | 11h54

Mauvaise nouvelle à Durban : non seulement la conjoncture économique est défavorable, mais les Etats-Unis joueront moins que jamais le rôle de "leader" dans cette bataille : ils sont gagnés par le climato-scepticisme.

Mauvaise nouvelle à Durban : non seulement la conjoncture économique est défavorable, mais les Etats-Unis joueront moins que jamais le rôle de « leader » dans cette bataille : ils sont gagnés par le climato-scepticisme.AFP/SAUL LOEB

Les braves gens réunis cette semaine à Durban, en Afrique du Sud, pour luttercontre le réchauffement climatique n’ont pas de chance. Déjà, la conjoncture économique leur est défavorable. Quand récession et chômage de masse menacent, la préoccupation prioritaire n’est pas la défense de l’environnement. Ensuite, deuxième mauvaise nouvelle pour la Conférence des Nations unies sur le climat, les Etats-Unis joueront moins que jamais le rôle de « leader » dans cette bataille : ils sont gagnés par le climato-scepticisme.

Ce n’est pas le cas de l’administration Obama, certes, mais l’école climato-sceptique domine chez les républicains. Ceux-ci disposent de la majorité à la Chambre des représentants ; ils voteront contre toute proposition de taxe sur les émissions de gaz à effet de serre. Et, semaine après semaine, les candidats à l’investiture du parti pour le scrutin présidentiel de novembre 2012 clament leur refus de céder à la « farce » du réchauffement climatique.

Autrement dit, l’élite d’un des deux grands partis aux Etats-Unis – pays où la conviction dans les mérites de la science a toujours fait partie de l’ADN collectif – s’oppose à la majorité des scientifiques de l’époque. Les républicains disent douterde la nocivité du réchauffement de la terre ; ils se refusent à imputer à l’homme une quelconque responsabilité dans l’évolution du climat.

L’opinion est touchée. « Depuis deux ans, le scepticisme sur le changement climatique a bondi de manière spectaculaire chez les Américains », note l’un des observateurs les plus pointus de la scène publique outre-Atlantique, Christopher Caldwell. Dans le Financial Times (26 novembre), il cite un récent sondage de l’institut Pew : sur une liste de vingt-deux priorités politiques, la lutte contre le réchauffement arrive avant-dernière.

A Durban, les négociateurs de quelque 200 pays sont pressés. Entré en vigueur en 2005, le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre – à l’origine du réchauffement – arrive à échéance. Il faut lui trouver un successeur. Les scientifiques veulent limiter la hausse moyenne des températures à 2 oC d’ici à la fin du siècle. Au rythme actuel des émissions de CO2, le thermomètre navigue plutôt entre 3 et 6 oC au-delà du seuil censé freiner les catastrophes.

A Washington, PNAS, la revue de l’Académie américaine des sciences, publie son pointage : 97 % des chercheurs spécialisés dans le climat aux Etats-Unis attribuent à l’homme la responsabilité du réchauffement – et donc des drames qui l’accompagnent.

Il en faut plus pour intimider les croisés du Parti républicain. Tous les candidats à l’investiture 2012 clament leur climato-scepticisme. Ils refusent d’incriminer les émanations industrielles de dioxyde de carbone comme étant la cause première du changement climatique.

Elue du Minnesota, Michelle Bachmann assure que les émissions de CO2 sont inoffensives. Hermann Cain, l’un des derniers impétrants, parle du « mythe » du réchauffement. James Richard Perry, gouverneur du Texas, dénonce un « canular »monté par des scientifiques en mal de subventions.

Les candidats les plus solides, Mitt Romney et Newton Gingrich, ont dû tournercasaque. Après avoir pris au sérieux les effets des émissions entropiques de CO2, ils se sont reniés. Ils adhèrent maintenant à la doxa du parti : rien ne prouve que les activités de l’homme soient responsables de l’évolution du climat. Ils ont cédé à l’intimidation de l’aile militante républicaine, celle qu’animent les vedettes des télés et des radios ultra-conservatrices. A ses 15 millions d’auditeurs hebdomadaires,Rush Limbaugh, « micro » le plus « réac » du pays, assène que cette affaire de CO2est une grosse « blague ».

Le climato-scepticisme est devenu l’un des dogmes républicains, accolé à cette autre conviction : il faut cesser de présenter la théorie de l’évolution comme l’explication des origines de l’homme. Et ajouter aux programmes scolaires la thèse créationniste – qui tient que l’humanité a été créée par Dieu telle qu’elle est.

Dans le Financial Times (26 novembre) toujours, une correspondante aux Etats-Unis, Gillian Tett, s’interroge : « Pourquoi l’Amérique n’aime plus la science ? » Elle cite la colère du maire de New York devant les propos tenus par les candidats républicains sur l’évolution et sur le climat : « Nous avons des postulants à la présidence qui ne croient pas à la science. Vous pouvez imaginer ça, c’eststupéfiant ! », dit Michael Bloomberg.

Le mensuel New Scientist perçoit une offensive républicaine sans précédent contre la science. « Le Parti républicain est-il devenu une religion ? », s’interroge Andrew Sullivan, sur le site The Daily Beast. Comment en est-on arrivé là ? Conservateur éclairé, comme il se définit lui-même, Sullivan, qui dirigea l’hebdomadaire libéral-néo-conservateur The New Republic, dénonce l’emprise des fondamentalistes protestants sur le parti d’Abraham Lincoln – incidemment, Lincoln fut le président qui établit l’Académie américaine des sciences.

Le parti se comporte comme un mouvement religieux, écrit Sullivan. Ses candidats à la présidence doivent adhérer au credo : non à la théorie de l’évolution, non à la farce onusienne sur le climat, non à la moindre hausse de la fiscalité (directe, indirecte, durable ou momentanée), non à l’abomination « socialiste » qu’est l’assurance santé universelle, non à l’avortement, etc.

On dira qu’il en va ainsi depuis Ronald Reagan et sa « révolution conservatrice » du début des années 1980. Faux. Ronald Reagan ouvrait le parti à toutes les familles du conservatisme américain. Il y a aujourd’hui chez les républicains une crispation dogmatique, qui est une manière de fuite devant la complexité de l’époque.

Post scriptum Les étudiants de l’Ecole polytechnique ont de la chance. Cet automne, Alain Finkielkraut y a donné un cours – magistral par l’ampleur de la culture, des questions posées et l’élégance de la forme – sur le thème du changement et de notre aptitude à « vivre ensemble ». La revue Causeur (novembre) qu’anime Elisabeth Lévy a la bonne idée d’en publier l’intégralité.

 

Commentaire

 

Les Etats-Unis ne semblent pas prêts à assumer le leadership à Durban, affichant une attitude qualifiable de climato-sceptique. La mauvaise conjoncture économique semble avoir éclipsé les préoccupations environnementales. L’administration Obama est par ailleurs en conflit avec les Républicains à ce sujet. La Chambre des Représentants, conservatrice, semble opposée à toute limitation des émissions de gaz à effet de serre. Les Républicains parlent d’ailleurs de « farce » au sujet du réchauffement climatique. La question environnementale représente un enjeu politique majeur mais le discours de ces derniers est quelque peu inhabituel. Ils refusent en effet toute responsabilité humaine dans le réchauffement climatique. Par ailleurs, chez les américains, plutôt enclins au climato-scepticisme, l’enjeu environnemental est relégué au second rang pour ce qui est de leurs préoccupations. Paradoxalement, les chercheurs américains comptent parmi les plus fameux sur la question environnementale. Leur influence reste toutefois limitée sur leur territoire national. Les Républicains semblent placer l’Homme au dessus de son environnement, refusant toute idée de complémentarité nécessaire à l’équilibre de l’écosystème. Au lieu de cela, nous entrons dans une logique négative où l’Homme abîme son environnement et en retour l’environnement menace l’espèce humaine. L’enjeu économique pour ce qui est du refus de la limitation de l’émission des gaz à effet de serre sert d’argument aux climato-sceptiques. Les élus Républicains évoquent un « mythe », un « canular », les scientifiques se montrant alarmistes, selon eux, dans l’unique but d’obtenir des subventions. Les politiciens semblent ne plus croire en la science, les Républicains avançant l’argument climato-sceptique comme une religion, témoignant d’une peur face aux enjeux actuels.

Vendredi 02 décembre 2011 Les vingt banques qui nuisent au climat en finançant le charbon

D’où vient l’argent qui sert à financer les très polluantes centrales à charbon ? C’est la question à laquelle répond le rapport Bankrolling Climate Change (Financer le changement climatique) publié mercredi 30 novembre, lors de la conférence de Durban sur le climat. Quatre ONG se sont ainsi penchées sur les portefeuilles de 93 grandes banques. Le résultat est sans appel : depuis 2005, date de l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto fixant des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de lutter contre le changement climatique, ces établissements ont octroyé 232 milliards d’euros de prêts à l’exploitation du charbon dans les mines et à sa transformation en électricité par les centrales.

Or, le charbon constitue l’énergie fossile la plus intensive en carbone. Sa combustion est ainsi responsable de l’émission de milliards de tonnes de gaz à effet de serre (CO2, CH4 ou NO) chaque année au niveau mondial, mais aussi d’autres polluants comme des particules de suie et du mercure. Son extraction altère par ailleurs les écosystèmes, pollue les eaux, et nuit à la santé des populations environnantes.

La construction de centrales à charbon coûte très cher (environ 2 milliards de dollars pour une centrale de 600 MW). Les entreprises s’appuient donc fortement sur les banques pour trouver les capitaux nécessaires. « Nos chiffres montrent clairement que le financement du charbon augmente : il a presque doublé entre 2005 et 2010 », remarque Tristen Taylor, d’Earthlife Africa Johannesburg.

En tête de liste des 20 institutions bancaires qui ont le plus mis la main à la poche, on trouve trois banques américaines — JP Morgan Chase, Citigroup et Bank of America — qui totalisent 42 milliards d’euros d’investissement dans le secteur du charbon depuis 2005. Elles sont suivies de comparses anglais, allemands, suisses et… français. Nos trois principaux établissements bancaires nationaux figurent ainsi dans le classement : BNP Paribas est 8e avec 10,7 milliards d’euros de prêts accordés depuis sept ans, le Crédit agricole 14e avec 5,6 milliards et la Société générale est 18e avec 4,7 milliards.

Comment ces chiffres ont-ils été compilés ? « La plupart des grandes banques commerciales fournissent des chiffres sur leurs investissements annuels dans les énergies renouvelables, qu’elles mettent en valeur, mais cachent les données sur les levées de fonds ou les actions détenues pour de projets de combustibles fossiles », déplore le rapport. Les experts du groupe d’ONG — l’allemande Urgewald, le réseau international BankTrack et les ONG sud-africaines Earthlife Africa Johannesburg et GroundWork — ont ainsi passé sept mois à décortiquer les rapports annuels des principales sociétés exploitant des mines de charbon ou des centrales. Les vrais chiffres des investissements pourraient donc s’avérer encore plus élevés.

Certaines institutions bancaires ont réagi à cette étude, dans les colonnes duGuardian, soulignant qu’elles ne pouvaient tracer les sommes prêtées à cette industrie et ajoutant que ces prêts n’avaient en rien affecté leur engagement environnemental.

Pour les ONG, c’est une fois de plus la preuve d’un décalage entre les discours et la réalité, les banques se targuant d’être investies dans des projets de réduction de leurs émissions, en façade, et finançant l’industrie du charbon, dans l’ombre.

« Bien que le changement climatique ait déjà des impacts sur les sociétés les plus vulnérables, il y a de nombreux projets de construction de nouvelles centrales à charbon, regrette Heffa Schücking, de Urgewald. Si les banques fournissent l’argent nécessaire à ces projets, elles vont ruiner les efforts pour limiter la hausse de la température mondiale à 2°C d’ici la fin du siècle. » Deux centrales à charbon, à Medupi et Kusile, sont par exemple en construction en Afrique du Sud, qui accueille actuellement la conférence sur le climat.

« Par la dénonciation publique de ces banques, nous espérons ouvrir la voie à une course vers le sommet, où les banques se font concurrence pour nettoyer leurs portefeuilles et arrêter de financer des activités qui tuent notre climat. » Un espoir sans doute très utopique, même si ce genre de publicité négative pourrait finir par inciter certaines des sociétés à limiter leurs financements néfastes.


Photo : AFP PHOTO / DAREK REDOS

 

Commentaire

 

Des interrogations demeurent au sujet du financement des centrales à charbon. Un rapport du Bankrolling Climate Change démontre que les banques ont financé au niveau de 232 milliards d’euros l’industrie du charbon depuis 2005 et la signature du Protocole de Kyoto. Le charbon est à ce jour l’énergie fossile la plus polluante. Il est responsable de l’émission de gaz à effet de serre, de mercure et son extraction dans les mines pollue les écosystèmes et nuit à la santé des populations locales. Les banques ont donc apporté les capitaux nécessaires à la construction de ces centrales très coûteuses. Les banques américaines arrivent en tête selon cette étude, suivies de près par les banques européennes, françaises notamment. Si ces Etats refusent de plus en plus cette énergie, le financement de centrales en dehors de leur territoire ne semble pas les affecter. Les banques mettent en valeur leurs investissements en matière d’énergies renouvelables mais     se montrent moins affables au sujet des énergies fossiles. Les intérêts économiques semblent une nouvelle fois primer sur le facteur climatique. Les humains ne semblent pas conscients de l’urgence environnementale. Cette dernière semble être réduite au statut d’outil de promotion pour les firmes.

De plus en plus d’événements climatiques extrêmes

La ville de Cameron, aux États-Unis, après le passage de l'ouragan Rita, en 2005.
La ville de Cameron, aux États-Unis, après le passage de l’ouragan Rita, en 2005.Crédits photo : RIC FELD/ASSOCIATED PRESS

Dans un rapport publié vendredi, le Giec analyse la vulnérabilité des pays face aux risques liés aux changements du climat.

Cyclones et pluies torrentielles sous les tropiques, sécheresse en augmentation «au cours du XXIe siècle durant certaines saisons et dans certaines régions», poursuite de l’érosion des côtes et des inondations en raison «de la hausse du niveau de la mer», fonte des glaciers et disparition du permafrost (terre gelée en permanence) dans certaines régions de montagnes… Le dernier rapport du Giec (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) consacré aux événements climatiques extrêmes ne se montre pas très optimiste sur les évolutions attendues au cours du siècle. L’Europe de l’Ouest pour sa part devrait être plus particulièrement concernée par les vagues de chaleur comme en 2003.

Les chercheurs réunis à Kampala (Ouganda) ont compilé les milliers de publications se rapportant au sujet. Ils rappellent dans un document encore provisoire – le texte définitif doit être publié vendredi – que les changements climatiques dont le réchauffement des températures, «vont conduire à des changements dans la fréquence, l’intensité, la répartition géographique et la durée des événements climatiques extrêmes pouvant aboutir à une situation sans précédent». Au cours du siècle dernier, la température moyenne s’est accrue de 1°C. Selon différents scénarios, le Giec estime que les températures pourraient encore augmenter entre 1° et 3°C d’ici à 2050 et jusqu’à 5°C à la fin du siècle si rien n’est fait pour arrêter la hausse constante des émissions de gaz à effet de serre.

Chaque mot sera soupesé

C’est l’un des grands enjeux de la conférence sur le climat qui se tient à la fin du mois à Durban en Afrique du Sud durant quinze jours. Cette conférence placée sous l’égide l’ONU est la 17e du genre. Il y a deux ans à Copenhague, les 192 chefs d’États et de gouvernements s’étaient engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de maintenir une hausse de la température mondiale en dessous de 2°C.

Les scientifiques du Giec prennent toutefois la peine de relativiser certaines de leurs projections faute d’avoir des études en nombre suffisant et des statistiques fiables dans plusieurs pays ou régions du globe. Ils rappellent également que toutes les populations ne sont pas exposées de la même manière. «La vulnérabilité des populations et les pertes sont souvent concentrées dans les pays ou régions à faibles revenus même si les pays développés sont aussi vulnérables aux climats extrêmes.» L’impact des événements extrêmes est également étroitement lié au degré de préparation des pays ainsi qu’à leur capacité à réagir. «Certaines régions vont devenir inhospitalières» précise les scientifiques ce qui pourrait entraîner des mouvements de population.

Chaque mot du rapport final qui devait être achevé au cours de la nuit sera soupesé. Les scientifiques du Giec gardent en effet en mémoire la bronca qui a suivi l’an dernier la divulgation d’une erreur dans leur dernier gros rapport sur le changement climatique datant de 2007. Ce rapport thématique doit participer au contenu du prochain, le cinquième du genre. Il sera publié en 2014.

 

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Ce rapport confirme la vulnérabilité des Etats face aux risques liés au changement climatique. Les catastrophes naturelles semblent avoir augmenté de façon notoire depuis le début du siècle. Ce rapport ne prévoit par ailleurs pas d’amélioration en la matière. L’augmentation de la température causerait des canicules, des sécheresses mais également une hausse du niveau de la mer. L’Homme, en rejetant des quantités excessives de gaz à effet de serre, a « abîmé » son environnement qui semble se retourner contre lui. D’où la nécessité de limiter l’émission de gaz à effet qui constitue l’enjeu principal de la conférence de Durban. Les scientifiques relativisent toutefois ces affirmations en expliquant que les statistiques et les études sont insuffisantes. Par ailleurs, nous pouvons observer une vulnérabilité inégale des populations, les pays pauvres étant plus affectés par les changements climatiques. Les catastrophes climatiques concernent toutefois aussi les pays développés mais certaines régions semblent plus aptes à réagir. Ainsi, certaines zones risquent de devenir inhospitalières et il est probable d’observer d’importants mouvements de population. L’article souligne que l’exactitude du rapport est primordiale pour que le point de vue des scientifiques soit pris en compte

Le climat sous la menace de la fonte des sols arctiques

Paysage de toundra au Canada. Si la température moyenne des zones arctiques augmentait de 2,5°C d'ici à 2040, le sous-sol (permafrost) relâcherait de 30 à 63 milliards de tonnes de carbone.
Paysage de toundra au Canada. Si la température moyenne des zones arctiques augmentait de 2,5°C d’ici à 2040, le sous-sol (permafrost) relâcherait de 30 à 63 milliards de tonnes de carbone. Crédits photo : PAUL J. RICHARDS/AFP

D’énormes quantités de carbone sont séquestrées dans le permafrost.

La hausse rapide des températures dans le Grand Nord fait craindre le pire aux scientifiques. Le dégel du sous-sol de ces régions (appelé permafrost) risque de relarguer dans l’atmosphère des quantités de gaz à effet de serre bien supérieures à ce que prévoient les modèles actuels. «On a calculé que le dégel du permafrost pourrait rejeter des quantités de gaz à effet de serre équivalentes à ce que produit la déforestation (entre 15 et 20% des émissions mondiales). Mais dans la mesure où ces rejets incluraient du méthane, l’effet global sur le climat pourrait être 2,5 fois plus important», précise le texte.

Ces conclusions sont le fruit d’un travail mené par une quarantaine de scientifiques de plusieurs pays réunis en réseau (Permafrost Carbon Network). «Il ne s’agit pas d’un travail scientifique classique, mais d’une sorte de supersondage mené auprès de ces spécialistes sur la base de leurs propres travaux et expertises sur le sujet», explique Gerhard Krinner, chercheur au Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement du CNRS*. Il fait partie des experts qui ont contribué au commentaire publié dans la revue Nature. «Nous devions répondre à trois questions : suivant différentes hypothèses de réchauffement futur, quelle superficie de permafrost dégèlera ? Combien de carbone serait potentiellement relâché dans l’atmosphère ? Quelle fraction de ces émissions se produira sous forme de carbone au lieu de dioxyde de carbone ?» poursuit le scientifique.

Les sols gelés de l’Arctique représentent 18,8 millions de km2. La quantité de biomasse renfermée dans ces terres, sous forme de restes de plantes et d’animaux accumulés au cours des millénaires, est évaluée à 1700 milliards de tonnes de carbone. «Cela représente quatre fois plus que tout le carbone émis par l’activité humaine au cours de la période industrielle et le double de ce que l’on peut trouver dans l’atmosphère aujourd’hui» rappelle le document de Nature. Ces chiffres justifient l’attention portée à ce sujet.

Plusieurs hypothèses

En basant leurs calculs sur les différents scénarios de réchauffement climatique du Giec (groupe intergouvernemental d’experts sur le climat), les chercheurs aboutissent à plusieurs hypothèses. Si la température moyenne des zones arctiques augmentait de 2,5°C d’ici à 2040 (par rapport à la moyenne de la période 1985-2004), le permafrost relâcherait de 30 à 63 milliards de tonnes de carbone (CO2 et méthane confondus). Avec une augmentation de 7,5°C d’ici à 2100, on passerait à une quantité de 232 à 380 milliards de tonnes.

«Ces estimations sont de 1,7 à 5,2 fois plus importantes» que celles retenues par des études récentes. «Le sentiment des chercheurs est que les émissions futures seront beaucoup plus fortes que ce qu’indiquent les modèles. Car ces derniers, très difficiles à établir, ne représentent pas encore tous les processus liés à l’évolution du permafrost» précise Gerhard Krinner. Un projet européen baptisé Page21 vient d’ailleurs d’être lancé pour améliorer la représentation du permafrost dans les modèles du climat. «Il s’agit par exemple de mieux prendre en compte l’interaction entre la neige, la végétation et le sol», poursuit Gerhard Krinner.

Mais la plus grande inconnue porte aujourd’hui sur la quantité de méthane qui pourra être relâchée par rapport au dioxyde de carbone. Le groupe valide l’idée selon laquelle il s’agirait très majoritairement du CO2, le méthane ne devant représenter que 2,7% des émissions, quel que soit le scénario de réchauffement. «Mais cela reste une estimation très incertaine» reconnaît Gerhard Krinner. Il serait bien de ne pas la dépasser. En effet, le méthane ayant un potentiel de réchauffement 25 fois plus puissant que le CO2, les effets seraient dramatiques et risqueraient d’emballer le cercle infernal: les gaz à effet de serre déjà dans l’atmosphère causent le réchauffement climatique qui lui-même favorise la fonte du permafrost responsable à son tour d’un relargage supplémentaire de gaz à effet de serre…

* CNRS et université Joseph-Fourier, Grenoble.

 

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Les études montrent que le Permafrost referme d’importantes quantités de carbone. La hausse de la température qui accélère la fonte de la banquise inquiète donc fortement les scientifiques. Le dégel risque d’entraîner un rejet de quantités considérables de gaz à effet de serre, dans des quantités comparables à celles de la déforestation. La fonte est d’autant plus inquiétante qu’elle s’accompagne d’un rejet de méthane. Une étude a donc recueilli, sous forme de sondage, les travaux de nombreux scientifiques. Les résultats attestent de quantités retenues dans les sols arctiques quatre fois plus importantes que les rejets sur la période industrielle et deux fois plus importantes que le niveau actuelle. L’Homme comptait donc sur l’environnement pour sa survie mais ce dernier risque de se retourner contre lui de manière plus que proportionnelle. Ces estimations sont plus importantes que celles des études récentes et marquent un refus de l’affolement face à la situation climatique. Nous entrons dans un cercle vicieux, les gaz à effet de serre accélérant le réchauffement climatique, ces derniers entraînant une fonte du Permafrost, accentuant encore l’émission de gaz à effet de serre.

Pékin suffoque, la Toile s’embrase

Depuis trois jours, Pékin est plongée dans un épais nuage, aussi gris que nauséabond. (Illustration).
Depuis trois jours, Pékin est plongée dans un épais nuage, aussi gris que nauséabond. (Illustration). Crédits photo : © David Gray / Reuters/REUTERS

Les internautes accusent le régime de chercher à minimiser le phénomène de pollution.

Pékin est dans le brouillard, et les dirigeants chinois encore plus, impuissants à enrayer la pollution qui ne cesse de s’aggraver dans la capitale. Depuis trois jours, la ville est plongée dans un épais nuage, aussi gris que nauséabond, qui a presque paralysé le 2e aéroport mondial. L’affaire fait la une des journaux et était, mardi, le sujet numéro un des internautes chinois : plus de 4,5 millions d’entre eux, aussi inquiets qu’en colère, ont posté un message sur Weibo, le Twitter chinois. Des centaines de vols ont été annulés, plusieurs autoroutes et des dizaines de routes ont été fermées tant la visibilité est tombée bas. Une situation presque aussi mauvaise s’était produite début novembre.En cause, la consommation de charbon qui a doublé en dix ans, selon Greenpeace Chine. Et les voitures, dont le nombre a grossi de 800.000 pour la seule année 2010 à Pékin. La presse raconte que la crainte, voire la «panique», gagne la population pékinoise, qui s’est ruée sur les masques respiratoires. Une seule boutique sur le géant de la vente en ligne Taobao en avait vendu 30.000 samedi. Aujourd’hui, le site est en rupture de stock.Un sondage effectué par le China Youth Daily montre que près de 70 % des personnes interrogées estiment que les statistiques officielles ne correspondent pas à ce qu’elles voient et ressentent. Récemment, la polémique a fait rage entre les officiels et l’ambassade des États-Unis, qui fait un relevé de la qualité de l’air avec ses propres appareils, et le publie en temps réel sur son site Internet et Twitter. L’ambassade de France envisage de mettre en place ses propres mesures, grâce à une technologie développée par Environnement SA. Les diplomates américains se sont vus accusés de «sensationnalisme». Le problème, c’est que la population chinoise les croit plus que sa propre administration. L’officiel quotidien Global Times a même exhorté le gouvernement à «éviter les informations déroutantes», en publiant de bons indices quand l’air est irrespirable… Samedi, le numéro deux du Bureau municipal de protection de l’environnement, Du Shaozhong, a admis la gravité de la situation, sur son compte de microblog.

Particules fines

Ces deux derniers jours, les mesures américaines ont atteint le niveau de 522, dépassant le seuil maximal de l’index qui est de 500 ! À partir de 300, le niveau est déjà considéré comme «dangereux pour la population tout entière». Et il est déjà «mauvais pour la santé» de tous à partir de 150.

Les relevés officiels chinois ne prennent en compte que les particules fines PM10 (d’un diamètre inférieur à 10 microns) tandis que l’ambassade américaine mesure les particules fines PM2,5 (moins de 2,5 microns). Or «les particules PM2,5 peuvent pénétrer plus facilement et profondément dans les poumons et le sang, causant de sérieux problèmes de santé», estime Ma Jun, directeur de l’Institut des affaires publiques et environnementales.

Devant la pression de l’opinion et des experts, Pékin envisage une réforme de son barème, en prenant en compte les particules fines. Mais le Guangzhou Daily, citant des spécialistes, estime que le pourcentage de villes chinoises à la qualité de l’air acceptable dégringolera alors de 80 % à 20 %.

 

Commentaire

 

Les internautes accusent leur régime de minimiser la pollution dans la capitale chinoise. Les autorités semblent pour leur part impuissantes face à l’aggravation de la pollution dans les métropoles du pays, Pékin en tête. Un nuage gris et nauséabond a paralysé le principal aéroport du pays et des routes ont du être fermées. La prise de conscience écologique est donc plus facile lorsque l’environnement menace l’Homme et son économie. Les explications sont nombreuses: la consommation de charbon a été multipliée par deux en dix ans et le nombre d’automobiles connaît une croissance remarquable. Le problème est le suivant: Comment convaincre la population d’un pays émergent de la primauté du facteur environnemental sur son propre développement économique. La panique chez la population attesterait pourtant d’un premier pas vers une prise de conscience de la situation écologique désastreuse. Les ambassades occidentales, pour leur part, contestent les chiffres officiels et publient leurs propres analyses, déstabilisant ainsi le régime. La population ne croit plus les chiffres de l’administration qui ne prennent pas en compte les particules fines, extrêmement nocives pour la santé. Une réforme viserait à les inclure dans les prochaines analyses, ce qui placerait une très large partie des villes chinoises au dessus du seuil de pollution tolérable. Cette prise de conscience environnementale servirait en tout cas les puissances occidentales dans leur volonté d’endiguer l’expansion économique chinoise, le gouvernement étant obligé de limiter ses émissions de gaz à effet de serre.